Une fois Lucie partie, il a fallu que Claudio forme un nouvel équipage. En effet, j’ai omis de vous dire que Lucie étant une habituée des traversées, puisque aux Glénans elle avait accompli Bonifacio-La Maddalena, son expérience nous eût été fort utile. Là en effet nous devions affronter la traversée Sardaigne Sicile avec des novices qui n’avaient jamais fait les Glénans non plus que la traversée des Bouches à la Madeleine (non Marguerite, on ne parle pas de gâteaux).
Ce nouvel équipage avait cependant l’air serein et le Capitaine aussi.
Dans sa grande sagesse Claudio avait d’abord prévu une petite halte pour amariner Elise et Wandrille. Micchiobu jeta l’ancre à quelques milles de là : Porto Pino nom que vous réussirez à traduire et à comprendre sans peine. Au cas où port pin (parce qu’il y a un port et des pins).
Elise se voyait bien passer toutes ses vacances là, on a même installé le hamac, trouvé un bar qui avait de nombreux cocktails au choix : ciclista ou encore ciclista (bitter et Campari), je vous le recommande. On a choisi ciclista.
Ce petit échantillonnage photographique vous donne une idée de l’intensité des activités pratiquées à bord.
Évidemment moi aussi j’aurais pu rester là deux mois mais Claudio n’a pas la même idée de la navigation.
Donc, le lendemain, dès l’aube nous hissâmes la voile et même les voiles pour la Sicile.
Comme les photos vous le montrent, à la barre, le nouvel équipage était brillant. En effet la barre empêche de vomir, excusez la trivialité de ces propos mais c’est une réalité. Donc, lorsque le mousse pâlit on lui dit : « Tu veux barrer ? » et le mousse pâle est tout heureux même s’il n’a jamais barré de sa vie.
Pour Élise, je dirais que la traversée s’est plutôt bien passée, elle s’est réveillée le lendemain matin à Levanzo en terre sicule.
Pour Wandrille, un peu moins bien peut-être , parce qu’il apparaissait ensommeillé sur le pont : « C’est Élise qui m’envoie » Élise, je vous le rappelle, c’est ma filleule et sur ce coup là, je suis particulièrement fière d’elle.
En tous les cas, vers les deux heures du matin, Wandrille s’est montré à la hauteur, il a attrapé une bouée du premier coup à Levanzo, à croire qu’il a fait des championnats de pêche aux canards.
Pas de photo pour illustrer cet exploit, vu l’heure.
Cette traversée n’a été marquée par aucun événement notable, je ne suis pas tombée à la mer, Claudio n’a pas pêch de thon (il n’y a aucun lien à faire entre les deux, merci).
Cependant Claudio ne se contente pas, tel un plaisancier ordinaire, d’aller dormir, après s’être amarré à une bouée parce que Claudio, il faut le savoir, à un problème relationnel avec les bouées. En effet, elles ont été, pour lui, conçues par des esprits malfaisants. La bouée tape contre la coque, ce bruit s’ajoutant à ceux déjà nombreux que le capitaine ne supporte pas : les drisses qui tapent, le nouveau fil qui passe dans le mât...Aussi son esprit ingénieux lui souffle -t-il une idée. Jusque là tout va bien. Malheureusement cette idée nécessite ma collaboration et celle de Wandrillle qui, en garçon bien élevé, ne dit mot. Je dois sortir le bout dehors ( ces précisions sont destinées aux initiés afin qu’ils bénéficient de cette expérience nautique) pour que Claudio, par cette nuit sans lune à la lumière de sa seule lampe frontale) fixe l’amarre de la bouée. Enfin nous allons nous coucher. Hélas le bout dehors passe dedans notre cabine et l’amarre de la bouée imprime des vibrations que Claudio ne saurait souffrir. Il faut donc rentrer dedans le bout dehors, revenir à un amarrage plus traditionnel, plus glénan, et enfin se coucher, riche d’une nouvelle expérience.